
L’emploi est menacé à Sanofi
Questions à Laurent Ziegelmeyer, ancien syndicaliste, salarié de Sanofi Vitry depuis 1992.
EV : Sanofi, 43 milliards de chiffre d’affaires, a annoncé la suppression de 331 emplois dont 288 sur le site de Vitry-sur-Seine, alors que nous manquons de médicaments.
Comment expliquer ces licenciements ?
La France a été une puissance pharmaceutique dont SANOFI était un fleuron. Entre patrons et syndicalistes, il y avait des désaccords, mais nous avions en commun l’objectif de produire du médicament et une certaine fierté d’être utile. Depuis une dizaine d’années, la logique financière a pris le dessus sur la stratégie industrielle. La rémunération des actionnaires, 50 % des bénéfices, est devenue la priorité !
EV : Mais s’il n’y a plus de recherche, les actionnaires en pâtiront aussi ?
La logique financière est fondée sur le court terme. La rentabilité s’évalue à 6 mois. La recherche, c’est du temps long. Il faut 9 à 12 ans pour qu’un nouveau médicament arrive sur l’ordonnance d’un malade. Et la recherche avance par tâtonnement, il faut savoir se tromper pour franchir de nouvelles étapes !
EV : Le crédit impôts recherche (CIR) ne favorise-t-il pas l’industrie française ?
Sanofi touche130 millions par an de CIR. C’est considérable ! Eh bien ! en dix ans, nous sommes passés de 11 à 3 sites de recherche en France, de 7 000 salariés à 3 000.
À l’évidence, avec le CIR, la France jette l’argent par la fenêtre.
EV : Comment les salarié·es vivent-ils la situation ?
Nos objectifs de recherche changent sans cesse. Nous sommes passés des « Blockbusters » à la chimiothérapie puis à l’immunologie. Chaque fois au prix de suppressions d’emplois et de reclassements. Certains en sont à leur cinquième suppression de poste en cinq ans ! Cela déstabilise les équipes. Et surtout, le travail perd son sens.
EV : Les salarié·es sont-ils prêt·es à se mobiliser ?
288 suppressions d’emplois, c’est énorme. Et c’est sans compter les emplois sous-traités, comme l’entretien, le gardiennage, la cantine… Beaucoup de Vitriot·es perdront leur travail si nous ne parvenions pas à inverser la situation. Mais j’ai bon espoir car l’ambiance est combattive, les assemblées générales sont massives. Et nous avons beaucoup de soutiens. Et si la population nous rejoint alors nous serons très forts.
EV : Comment libérer SANOFI de la course au profit ?
Le médicament est un élément de la chaine de soin, il doit répondre aux besoins des patients. Parce qu’il est d’intérêt public, il doit être sous contrôle de l’État. Personnellement, je pense que le meilleur moyen est la nationalisation. Mais aussi en tirant parti de l’expérience de 1981. Pour être efficace la nationalisation doit associer rupture avec la logique de marché et véritable révolution démocratique.