Au coeur de la transition énergétique: la démocratie

Retour sur l’atelier-débat VITRY CAP 2030 n°3 , avec JEAN-LOUIS MUSCAGORRY ex-directeur régional de RTE IDF-Normandie

De la première usine alimentant les réseaux du tramway aux emblématiques cheminées d’aujourd’hui, l’histoire industrielle de notre ville se conjugue avec production électrique. Quelle peut être la contribution de Vitry, ses pouvoirs publics, ses habitant·es à l’indispensable transition énergétique ?

D’abord prendre la mesure du défi, immense : l’abandon, d’ici à 2050, de toute énergie carbonée (productrice de gaz à effet de serre). Pour Jean Louis Muscagorry, réussir ce défi suppose des « invariants ».

Le premier est la « sobriété / efficacité » : en clair, diminuer de 40% entre 2019 et 2050 notre consommation énergétique. Deuxième invariant : l’abandon de toute énergie fossile carbonée, ce qui appelle une forte hausse de consommation d’électricité, qui devra être produite dans un mix énergétique décarboné, marqué par une hausse massive de la part des énergies renouvelables. Troisième invariant : assurer l’équilibre permanent entre consommation et production, c’est le rôle assigné à RTE1, indispensable monopole qui pilote le réseau électrique, ce bien commun. Et quatrième invariant, réindustrialiser notre économie en relocalisant et promouvant des process industriels décarbonés pour diviser par 5 (d’ici 2050) les émissions de CO2 de l’industrie.

Dessiner les chemins à prendre.

L’objectif de cette transition nécessaire pour éviter une catastrophe climatique est très clair. Mais sa mise en œuvre est complexe cat il suppose des bouleversements dans notre façon de vivre. Contradiction entre sobriété et accroissement considérable de la production d’électricité : le tout électrique appelle encore plus d’extraction, souvent destructrice de l’environnement, de cuivre, de cobalt, de lithium, etc. ; croissance galopante des industries informatiques gourmandes en énergie ; privatisations et mise en concurrence des fournisseurs en électricité qui s’opposent à une maitrise publique ; développement des énergies renouvelables suscitant parfois des oppositions légitimes : pêcheurs contestant des projets d’éoliennes offshores ; habitants s’opposant à l’artificialisation des sols par du photovoltaïque ; question éminemment politique d’un mixte énergétique décarboné avec ou sans l’énergie nucléaire … Bref, il n’est pas simple de dessiner les chemins à prendre. Mais pour aussi complexes qu’ils apparaissent, pas question de ne rien faire. Là s’affirme ce qui est peut-être le cinquième invariant : la démocratie.

La démocratie est indispensable pour une transition énergétique non égoïste. Elle s’appuie sur la capacité de chacun·e de se saisir de ces questions. Elle se nourrit de débats qui mêlent points de vue populaires et expertises clairvoyantes. Elle permet d’avancer des solutions conformes à l’intérêt général. Elle s’inscrit dans une réflexion ancrée dans les territoires et qui englobe toutes les dimensions. Elle se pense « du local au mondial », comme on dit.

Les projets urbains sont-ils pertinents ?

Et Vitry dans tout ça ? Vitry, c’est notre terrain d’action, là où, chacun·e et ensemble, nous pouvons nous « saisir de ces questions ». L’histoire industrielle de notre ville son rapport à la production électrique permet d’imaginer une ville à l’avant-garde de la transition énergétique.

Qu’en est-il du développement du photovoltaïque ou d’éoliennes sur les toits de nos bâtiments ? Les projets urbains en cours, pensés il y a dix ou quinze ans sont-ils pertinents en la matière ? La « pause » voulue et décidée par la précédente municipalité pour « relire les objectifs » de l’aménagement de l’Opération d’Intérêt National a malheureusement avorté du fait du maire actuel. Et on peut craindre que ni l’urbanisme, ni l’immobilier ne prennent en compte les exigences environnementales et de transition énergétique. Le projet de renouvellement urbain du centre-ville, l’ANRU, ne fait-il pas la part trop belle à la démolition/reconstruction pourtant plus énergivore, plus productrice de CO2, plus couteuse que la réhabilitation. 

Un devoir d’exemplarité, en quelque sorte…

Notre territoire vitriot accueille encore quelques productions énergiques et surtout un établissement d’intérêt général à l’échelle de l’Ile de France — Arrighi, maillon indispensable du réseau de distribution électrique.  Il devrait s’enrichir de production d’hydrogène et du recours à la géothermie pour son chauffage urbain. Quant au projet de « centrale biomasse » pour produire une électricité pas vraiment décarbonée en pleine zone urbaine, il n’apparait pas du tout opportun, tant la ressource est éloignée.

Et à Vitry comme ailleurs, on a besoin de l’engagement innovant du pouvoir public local, un devoir d’exemplarité, en quelque sorte pour relire les projets, inventer la « sobriété »…

Cet hiver, l’appel à modérer la consommation énergétique dans le pays, pour surmonter la crise liée à la hausse du prix de gaz, « ça a marché » ! 

Besoin de transparence, de débats, de mesurer le pour et le contre, de s’approprier les solutions et d’engagement des pouvoirs publics comme de tous les acteurs ; l’indispensable transition est possible, elle ne peut se confiner à l’austérité, à la précarité énergétique. Elle peut sauver le climat et la planète.

(1)RTE : gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, nous ne saurions que trop vous conseiller les lectures, très utiles, accessibles sur le site de RTE (rte-france.com).